echec mais pas mat

Echec, mais pas mat…

Nous avons adopté l’Holacratie il y a un peu plus de trois mois… Pour nos cent jours, je m’étais imaginé faire un bilan de campagne enthousiaste, parler du succès de notre démarche, de l’adhésion grandissante. Les événements internes en ont décidé autrement. Nous sommes plus proches de Waterloo que du « vol de l’aigle » (cf. le retour de Napoléon en 1815). Nous sommes objectivement en Echec, mais pas Mat. Pas encore. La partie n’est pas finie. Nous pouvons rebondir, mais il  faut changer de stratégie au plus vite et réaligner nos pions.

Echec au roi…

Comme je l’évoquais dans mon article précédent (J+90…), nous avons pêché par différents aspects : un dirigeant non convaincu, un périmètre  trop large (300 personnes) et un manque de formation et d’accompagnement des équipes. A posteriori l’échec n’est donc pas surprenant. Nous n’avons pas été suffisamment stratégiques dans notre démarche. En revanche, ce que nous ne pouvions pas prévoir, c’est l’arrivée d’un nouveau dirigeant hostile à cette transformation.

Ces derniers jours ont été difficiles, nous avons vu les plus convaincus se décourager. L’ex Comité de Direction (Codir) s’était élargi depuis deux mois aux représentants des sous-cercles. Nous diffusions de manière transparente l’ensemble des comptes-rendus. L’ouverture était en marche.

Nos deux dernières réunions se sont subitement réduites aux membres de l’ancien Codir, réflexe d’autodéfense, envie de se retrouver. Nous nous sommes arrêtés au tour d’inclusion, c’est à dire au tour de table où chacun peut évoquer son état d’esprit. Normalement cette étape dure 2 à 5 minutes. Elle a duré toute la réunion. Le facilitateur, dont le rôle est d’animer la réunion et d’éviter toute dérive, n’était plus là, pris également dans la tourmente, il a renoncé à son rôle. Les questions fusent : que devons-nous faire, comment repartir, que faire de notre projet face à autant de vents contraires ?

Echec, mais pas encore Mat…

En regardant de plus près, la partie n’est pas encore finie. Même si en trois mois il faut admettre que les habitudes ne sont pas ancrées, il y a de belles choses qui se sont mises en place. L’organisation est claire et globalement bien structurée. Les rôles ont été clarifiés, certains supprimés car inutiles, d’autres créés. Les équipes les plus investies deviennent plus efficaces en réunion. Certains demandent à approfondir leur pratique et à mieux comprendre le changement qui s’opère en eux. C’est une preuve de maturité.

Lors de nos récents entretiens annuels, de nombreux témoignages rapportent le bénéfice qu’ils en ont tiré. La possibilité d’agir plus directement sur leur activité est très appréciée. Les difficultés de mise en oeuvre portent essentiellement sur l’application des procédures, trop lourdes à leur goût. Mais la vision et la logique plaisent.

J’ai donc à mon tour évoqué le sujet lors de mon entretien annuel. J’ai argumenté du bien-fondé de notre démarche, en citant les retours positifs que nous avions. Faire un retour en arrière trois mois après le lancement aurait un effet néfaste et démobilisant. J’ai aussi dû admettre que tous n’y adhéraient pas et qu’il faudrait probablement plus de temps. Après plusieurs passes d’armes, j’ai fini par convaincre notre dirigeant que nous devions maintenir les équipes qui fonctionnent bien. En revanche, il m’a demandé de ne plus mettre d’énergie là où la résistance est forte. Autrement dit, nous réduisons le périmètre aux volontaires. Aucun budget ne sera mis sur la table pour former ou accompagner les équipes. La priorité est au business. Dans ces conditions, il ne s’oppose pas à nos pratiques pourvu qu’elles servent la performance et l’excellence opérationnelle.

Notre objectif s’aligne donc peu à peu, même si les moyens d’y parvenir sont très opposés.

La partie peut reprendre !

Nous recentrer demande beaucoup d’énergie, alors que nous avons peu de temps à y consacrer. Il faut un plan clair et adapter notre communication. Nous allons soutenir ceux qui le demandent, pour en faire des exemples. Je vais donc réunir rapidement le cercle qui s’occupe d’animer la transformation, pour le réduire aux plus moteurs, aux plus convaincus et aux mieux formés. Il faut une équipe de choc pour porter cette deuxième phase qui s’ouvre.

C’est donc une nouvelle ère, quasi clandestine. Nous allons agir en supprimant les mots qui fâchent. Garder notre structure, nos réunions, mais faire en sorte que les process soient moins visibles, plus fluides. Nous devons démontrer que ça fonctionne mieux dans les équipes auto-organisées, et que la motivation y sera plus grande.

Par ailleurs, pour aller chercher cette énergie, nous devons nous ouvrir aux expériences extérieures. Nous devons rencontrer des praticiens, échanger avec d’autres pour nous aider à trouver des solutions à cette situation hybride.

Convaincu par notre cause, nous rentrons finalement progressivement en résistance. Nous allons prouver que ce qui prévaut n’est pas la procédure, mais l’esprit d’agilité qui nous anime, l’envie de faire rentrer la démocratie dans l’entreprise, comme le décrit très bien Thibaud Brière, dans l’un de ses articles. C’est seulement de cette manière que nous pourrons faire entendre notre voix et susciter de l’intérêt. Il faut reconnaître qu’en interne, les autres départements hors Holacracy ont plus entendu les détracteurs que les défenseurs. L’image qui est véhiculée est relativement négative et l’objectif a été perdu de vue. Nous devons inverser la tendance… mais pour cela il faut accepter que cela va prendre du temps. Ce n’est plus par une communication excessive, et la marche forcée, mais par la pratique et l’exemplarité.

Les semaines à venir vont être révélatrices de notre capacité à résister.

4 réponses à “J+100 : Echec, mais pas mat !”

  1. Hello,

    Je connais des coachs indépendants qui pourraient te faire part de leur retour et éventuellement te mettre en contact avec des praticiens.
    Isabelle Rappart et Jean Michel Gode.

    • Merci Brice. J’ai effectivement prévu d’en rencontrer prochainement, dont les deux précités. Ca devrait nous aider.

  2. Après les difficultés citées dans l’article du J+90, je dois avouer que je surveillais si l’article du J+100 allait sortir. je suis heureux de le lire car même si il y a beaucoup de difficulté, tu as compris où il faut aller (je passe au tutoiement plus facile pour les prochaines fois 🙂 ) . Par contre, il ne faut pas sous estimer la hauteur de la montagne.

    je vois que tu as souvent des images liées à la mer et aux bateaux. Je suppose que tu connais un peu ce monde. C’est une bonne analogie pour expliciter les attitudes à avoir dans l’entreprise suivant les circonstances.
    Par gros temps, il vaut mieux adapter la voilure à la situation et c’est ce que tu fais. Plus tu as de l’expérience de situation mieux tu peux trouver le bon réglage des voiles .
    Je comprends et approuve le recentrage que tu as pu faire

    Pour accélérer l’acquisition d’expéreince, personnellement , j’utilise les informations autour de l’holacratie de deux inputs
    – En France : les inputs de BM Chiquet (le suivre sur Linkedin: fait des références sur des articles intéressants. J’ai ainsi découvert ton blog ainsi.
    – Holacracy community : http://community.holacracy.org/

    Au delà de l’holacratie, il y a un site wiki extraordinaire qui donne une information de détails et de nombreux exemples autour de l’organisation Opal (Teal) une conséquence du livre de F Laloux « Reinventing Organization » : http://www.reinventingorganizationswiki.com/Main_Page

    Au plaisir de suivre le J+110

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